Skip to Main Navigation

Promouvoir la coopération internationale pour relever les défis en matière de gouvernance des données

GOUVERNANCE

Une coopération internationale plus étroite dans un large éventail de domaines est nécessaire pour résoudre bon nombre des problèmes fondamentaux liés au nouveau contrat social pour les données.

De nombreux problèmes en matière de gouvernance des données ne peuvent pas être pleinement résolus au niveau national ou pourraient être traités de manière plus efficace ou équitable par la voie de la coopération internationale. Plus précisément, la coopération internationale s’avère nécessaire à de nombreux niveaux, en commençant par la collaboration bilatérale entre pays aux plans réglementaire et administratif, pour évoluer ensuite vers une collaboration régionale et internationale plus vaste, des accords mondiaux et le soutien des bailleurs de fonds.

Coopération bilatérale

La gestion de l’économie des données exige une coopération bilatérale accrue entre les gouvernements, en particulier pour ce qui est de l’accès à des données critiques au niveau national et international. Par exemple, le fait d’avoir accès aux données financières des entreprises conservées par les autorités fiscales d’un pays tiers faciliterait le prélèvement de recettes fiscales tirées des impôts indirects (taxes sur la valeur ajoutée) auprès d’entreprises de pays tiers qui font du commerce via des plateformes numériques. Les administrations fiscales de pays à revenu faible ou intermédiaire doivent disposer d’un accès sûr aux données agrégées sur l’allocation de revenus et les impôts sur les bénéfices payés au niveau mondial par les plus grandes entreprises multinationales. Ces données sont détenues par les administrations fiscales nationales. L’application des lois relatives à la cybercriminalité constitue un autre volet essentiel de la coopération bilatérale entre pays (voir le chapitre 6).

Tandis que le marché des plateformes basées sur les données est dominé par une poignée d’acteurs mondiaux, les décisions prises par les autorités antitrust dans une juridiction peuvent avoir des retombées sur de nombreuses autres juridictions (voir le gros plan 7.1)1. À l’avenir, il serait possible d’envisager une coopération plus étroite entre les autorités antitrust, en particulier pour lutter contre les pratiques anticoncurrentielles qui touchent simultanément plusieurs pays ou qui ont une dimension transfrontalière. Un régime de concurrence régional est déjà en place dans l’Union européenne. Les autorités de la concurrence des pays du groupe BRICS (Brésil, Fédération de Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) ont commencé à travailler ensemble à la question des entreprises de plateformes, afin d’échanger leurs expériences et d’aboutir à une approche plus harmonisée2.

Collaboration régionale

La collaboration régionale est un moyen d’amplifier la voix des plus petits pays à faible revenu et à revenu intermédiaire tout en progressant vers l’objectif complexe de la conclusion d’accords mondiaux sur la gouvernance des données. Par exemple, la coordination régionale de mesures ad hoc sur la fiscalité numérique, comme l’envisage le Forum africain sur l’administration fiscale3, pourrait contribuer à limiter les coûts d’ordre administratif et de mise en conformité ainsi qu’à gérer les dynamiques de concurrence entre les pays (telles que l’arbitrage fiscal et réglementaire ou le nivellement par le bas).

La collaboration régionale peut également jouer un rôle intéressant dans la mise en place d’infrastructures de données, telles que des points d’échange Internet et des centres de données en colocation, qui peuvent être hors de portée pour des pays plus petits ou à plus faible revenu (voir le chapitre 5). Les pays dotés de passerelles internationales bien développées et de secteurs des technologies de l’information et de la communication concurrentiels peuvent grouper la demande régionale au profit d’installations partagées, pour autant qu’il existe de solides liaisons à fibre optique entre les pays limitrophes et que le cadre réglementaire pour la circulation transfrontalière des données soit harmonisé.

Coopération internationale et accords mondiaux

Certains enjeux politiques, en particulier les règles internationales régissant le commerce transfrontalier de services basés sur les données et les droits fiscaux connexes, doivent être abordés au travers d’une démarche de coopération multilatérale, de préférence à l’échelle mondiale.

Les pourparlers en cours sur une déclaration conjointe relative au commerce électronique et numérique requièrent toute l’attention des membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). En outre, bien que l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) de l’OMC n’interdise pas les restrictions sur les flux de données transfrontaliers à proprement parler, des limitations de tels flux pourraient être jugées contraires aux règles de l’AGCS sur la non-discrimination dans les secteurs où les membres de l’OMC ont pris des engagements particuliers4. Outre les règles relatives aux services transfrontaliers, les membres de l’OMC ont provisoirement décidé de ne pas imposer de droits de douane sur les produits numériques.

Pour éviter les pertes de recettes fiscales directes résultant des transferts de bénéfices vers d’autres pays par des entreprises multinationales de plateforme, il convient de revoir les règles actuelles portant sur la répartition de la compétence fiscale entre pays. L’entité qui établit de facto les normes sur les questions relatives à la fiscalité internationale, le Cadre inclusif sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, met la dernière main à des propositions destinées à résoudre ces problèmes5. En l’absence d’un consensus mondial, peu de choix acceptables à court terme se présenteront aux économies à faible revenu et à revenu intermédiaire qui cherchent à prélever des recettes fiscales directes dans le secteur.

La participation limitée des pays à faible revenu à ce type de négociations internationales sur la fiscalité et le commerce suscite des inquiétudes, le Burkina Faso étant par exemple le seul parmi les 85 pays engagés dans la négociation du cadre sur la gouvernance des flux de données transfrontaliers à l’OMC6. De même, seuls les pays du G-24 participent aux négociations en cours sur la refonte des règles fiscales internationales relatives aux droits de prélever un impôt sur les bénéfices des entreprises fondées sur des données qui sont actives sur un marché sans présence physique. La représentation insuffisante de ces pays dans les négociations prive les éventuelles futures règles d’une dimension inclusive et risque de donner lieu à une approche « uniforme » pour des règles mondiales régies par des acteurs plus avancés.

En outre, le partage transfrontalier de données exige de coopérer pour établir des normes et harmoniser les réglementations. Les traités internationaux et les lois types offrent de précieux cadres pour la coopération volontaire dans ces sphères. À titre d’exemple, dans le cas de la cybersécurité, la Convention de Budapest sur la cybercriminalité et la version modernisée de la Convention no 108 du Conseil de l’Europe sur la protection des données jouent un rôle pivot dans la convergence internationale des normes. Un autre domaine dans lequel l’harmonisation s’impose est l’interopérabilité des données et des systèmes de données — un prérequis pour une circulation fluide des données à travers les frontières. Des normes ouvertes peuvent être définies par des organismes sectoriels ou internationaux de normalisation pour des secteurs particuliers (le secteur bancaire, par exemple), avec une solide impulsion des principaux acteurs de ces secteurs7.

Soutien des bailleurs de fonds

Enfin, la communauté des bailleurs de fonds peut contribuer à remédier aux causes sous-jacentes des inégalités dans l’économie fondée sur les données et la société en favorisant la réalisation d’investissements visant à combler les lacunes en termes d’infrastructures et de systèmes institutionnels et en aidant les pays à constituer le capital humain dont ils ont besoin. Les bailleurs de fonds ont pour rôle fondamental d’apporter une assistance technique et un appui aux réformes en vue d’établir des conditions propices à l’économie des données, en particulier dans des domaines essentiels tels que le renforcement des capacités statistiques (voir Améliorer les données à vocation publique : quel rôle pour les organisations internationales ?), la protection des données, la cybersécurité, la circulation transfrontalière des données et le partage de données à vocation publique et privée. Il est tout aussi important d’appuyer la création d’un climat d’investissement propice aux acteurs privés, notamment au travers d’initiatives visant à renforcer le cadre juridique et réglementaire pour les investissements privés dans les réseaux à large bande et les infrastructures de données. Un tel appui indirect est généralement préférable à des investissements directs de bailleurs de fonds dans les infrastructures (voir le chapitre 5).

Notes
  1. Bundeskartellamt (2019).
  2. BRICS Competition Centre (2019).
  3. ATAF (2020).
  4. En vertu de l’AGCS, l’obligation de non-discrimination s’applique uniquement aux secteurs de services pour lesquels les membres de l’OMC ont expressément inclus cette obligation dans leur « liste d’engagements spécifiques », sous réserve des conditions qui y sont indiquées. Voir l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) (tableau de bord), Organisation mondiale du commerce, Genève.
  5. Le Cadre inclusif sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices compte 130 pays membres (dont tous les membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques [OCDE]) et est hébergé à l’OCDE. Des organisations internationales telles que le Groupe de la Banque mondiale y ont un rôle d’observateur. Pour un résumé de la manière dont ont été élaborées les propositions du Cadre inclusif et l’analyse d’une autre solution qui s’écarte du principe de libre concurrence en privilégiant la répartition des revenus imposables des entreprises multinationales sur la base de leurs ventes à des clients indépendants dans chaque pays, voir Avi-Yonah et Clausing (2019).
  6. Hufbauer et Lu (2019).
  7. Ragavan, Murphy et Davé (2016).
References