Améliorer les systèmes de données
Le Rapport sur le développement dans le monde 2021 émet l’idée d’un contrat social pour les données. Un système national de données intégré (SNDI) est un moyen par lequel les pays peuvent réaliser le potentiel des données au service du développement en s’inspirant des principes du contrat social. Le cadre du SNDI permet à un pays d’échanger des données en toute sécurité entre des participants nationaux tout en veillant à ce que les avantages qu’ils en tirent soient partagés le plus équitablement possible.
La collaboration est indispensable
Le système de données intégré est fondé sur une approche collaborative délibérée. En tant que cadre de gouvernance des données, il est établi par le gouvernement. Mais il exige la coopération de multiples parties prenantes. À mesure qu’il s’étoffe et se développe, il intègre des institutions universitaires, le secteur privé, des organisations internationales, la société civile et les citoyens.
Un système fondé sur la personne
Il est fondamental que le SNDI intègre la production, l’échange et l’utilisation des données dans la planification et la prise de décisions à l’échelle de l’administration publique, en vue d’améliorer la prestation de services et l’élaboration des politiques. Il faut pour cela qu’il y ait une demande de données, et les compétences pour utiliser ces données.
Tous les participants au SNDI doivent travailler de concert à la mise en place d’un système autour duquel circulent des données pour en optimiser la valeur. Le SNDI ne se résume pas à des infrastructures ou des règles et réglementations : la personne humaine en constitue la pierre angulaire.
Pour analyser, échanger et collecter des données, le système a besoin de personnes qualifiées à tous les niveaux. L’investissement continu dans le capital humain est l’un des piliers fondamentaux de la viabilité du système.
Alors, comment bâtir un SNDI ? Avec cinq fonctions, cinq participants, quatre piliers et cinq fondements.
Comment bâtir un système national de données intégré
Le SNDI s’articule autour de données, qui doivent être :
Produites de manière à être pertinentes, actuelles et exactes, ainsi que d’un niveau de détail suffisant pour éclairer les décisions en matière de politiques.
Protégées contre toute utilisation abusive par une réglementation qui évite de causer du tort. La protection favorise la confiance et la participation.
Ouvertes et capables de circuler entre les parties prenantes. Des normes communes sont cruciales pour une circulation fluide des données, mais elles facilitent également les transferts de données au-delà des frontières.
Soumises à un contrôle de qualité afin de préserver l’intégrité des données elles-mêmes. Cela nécessite d’ancrer la production des données sur des bases méthodologiques saines.
Utilisées et réutilisées au-delà des usages envisagés initialement par différentes parties prenantes. Cela inclut l’utilisation systématique des données pour l’élaboration de plans et la prise de décisions dans toutes les entités de l’administration.
À mesure qu’il se développe, le SNDI intègre de nombreux participants qui sont :
Des organismes publics, qui produisent des données à vocation publique, mais aussi utilisent des données provenant d’autres sources. Ils se comportent comme des intendants des données en fixant les règles applicables à l’ensemble du système.
Des organisations de la société civile (OSC), des organisations non gouvernementales (ONG) et des citoyens, qui tous, produisent et utilisent les données pour renforcer leurs moyens d’action et demander des comptes aux secteurs public et privé.
Le monde universitaire, y compris des institutions universitaires, des groupes de réflexion et des établissements de recherche qui produisent et utilisent des données, génèrent des connaissances pour le bien du public et éduquent les populations à l’utilisation des données.
Des entreprises du secteur privé qui produisent souvent des données dans le cadre de leurs opérations commerciales. Certaines de ces données peuvent être utiles pour l’élaboration des politiques publiques et pour le grand public.
Des organisations internationales et régionales, qui demandent parfois à leurs membres de communiquer des données, par exemple sur les ODD aux Nations Unies. Elles peuvent aider à définir des normes pour rendre les données plus comparables, et financent souvent la production de données.
Le SNDI est bâti sur quatre piliers :
Des politiques d’infrastructure, telles qu’un accès égal à Internet, un marché dynamique et concurrentiel pour la fourniture de services Internet et des points d’échange Internet.
Des lois et règlements qui protègent les individus, assurent la cybersécurité et régissent la gestion des institutions. La réglementation devrait être indépendante, mais encadrée par le gouvernement.
Des politiques économiques, telles qu’une stratégie gouvernementale de gouvernance des données. Des politiques sont indispensables pour déterminer la valeur des données, faciliter leur circulation d’une frontière à l’autre et entre les entreprises.
Des institutionsqui sont créées pour administrer et préserver les données ainsi que pour surveiller l’observation des règles. Des organismes de surveillance veillent à ce que les secteurs public et privé respectent les règles établies.
Le SNDI repose sur cinq fondements :
Le capital humain, c’est-à-dire des personnes talentueuses qui possèdent les compétences qu’il faut pour utiliser les données, les préserver et concevoir des politiques, ainsi que pour demander des comptes au pouvoir.
Mise en œuvre du SNDI
Le système national de données intégré n’est pas seulement réservé aux pays qui ont déjà une solide culture de l’utilisation des données et l’infrastructure nécessaire pour qu’il fonctionne. Il s’adresse aux pays à chaque étape de leur itinéraire de données.
Différents niveaux de maturité
Le cadre définit trois grands niveaux de maturité, afin de visualiser cet itinéraire du point de départ à l’optimisation.
À de faibles niveaux de maturité des données, les pays devraient chercher en priorité à établir les bases d’un système national de données. Cela implique souvent de veiller à ce que les producteurs de données disposent de ressources, de capacités et d’infrastructures adéquates ; de mettre en place des réglementations qui assurent la protection des données ; et de reconnaître l’importance des données.
Une fois ces bases établies, les pays devraient chercher à amorcer la circulation des données. Cela nécessite généralement d’encourager le partage de données, d’établir des normes communes et de faire en sorte que les utilisateurs de données aient la culture et la maitrise nécessaires pour travailler efficacement avec des données.
À des niveaux avancés de maturité des données, l’objectif est d’optimiser le système. Généralement, cela implique de coordonner les rôles des différents participants et d’optimiser les flux de données ainsi que les informations que l’on en tire.
Il n’y a pas d’approche passe-partout
Cela dit, un SNDI aura toujours besoin d’être adapté en fonction du contexte particulier du pays. Certains aspects du système de données d’un pays peuvent être plus avancés que d’autres, et il faudrait en tenir compte au moment de définir les priorités. Le cadre de maturité peut être utilisé comme un guide pour déterminer à quel niveau se trouve le système à un moment donné, et déceler les faiblesses à corriger de manière progressive.
Le Rapport sur le développement dans le monde 2021 énonce un plan d’action détaillé pour les cinq participants au SNDI aux trois niveaux de maturité. Un pays peut prendre des mesures concernant chaque participant à différents niveaux dans le but de faire avancer le système national de données.
Intégrer les participants au SNDI : Exemples de priorités à différents niveaux de maturité des données
Bâtir un SNDI signifie intégrer tous les acteurs qui créent et utilisent des données. Les priorités de chaque acteur dépendent du degré de maturité des données du pays. Il ne s’agit pas de suivre une approche standard. Le contexte local devra aussi être pris en compte.
Niveau 1 : Établir les principes de base
Une stratégie nationale de données ou un autre document politique de haut niveau élaboré par le gouvernement est un bon point de départ pour mobiliser l’engagement politique et des ressources. Un tel document devrait inclure des mesures concrètes en vue de tirer de la valeur à partir des données, et être pris en compte dans les plans nationaux de développement.
Par exemple, le Plan national de développement 2014-18 de la Colombie a servi de base à la désignation officielle de l’agence nationale des statistiques (DANE) du pays comme coordonnateur et régulateur du système national de statistiques.
Niveau 1 : Établir les principes de base
À de faibles niveaux de maturité des données, il est aussi indispensable de mettre en place l’infrastructure nécessaire pour permettre aux participants de travailler avec des données. Construire des réseaux nationaux de transmission pour l’accès au haut-débit sans fil ultrarapide est fondamental à cet égard, et une condition préalable à l’intégration du secteur privé dans le système national de données. La fibre peut être installée à moindre coût concomitamment à la construction d’une nouvelle route.
Ce fut le cas dans la Mongolie, sans littoral, où le réseau de fibre optique nord-sud qui relie ce pays à la Chine et à la Fédération de Russie longe le chemin de fer.
Niveau 2 : Amorcer la circulation de données
À mesure que les données arrivent à maturité, il est essentiel qu’elles circulent entre les participants et qu’elles soient utilisées efficacement. Cela nécessite une certaine culture et maitrise des données. La méconnaissance des données dans la société civile constitue un obstacle majeur à la demande de données accessibles de haute qualité. Cette lacune limite également la marge de manœuvre dont dispose la société civile pour faire respecter le devoir de responsabilité. Améliorer la culture des données à l’aide de projets en partenariat, de formations et de détachements de personnel peut aider à corriger ces lacunes.
Par exemple, le Bureau des statistiques et le ministère de l’Éducation d’Ouganda ont aidé l’organisation de la société civile dénommée Twaweza à réaliser une étude et à concevoir un plan d’échantillonnage concernant la lecture, l’écriture et le calcul. Twaweza a procédé en toute autonomie à la collecte et au traitement des données, améliorant ainsi la qualité des données générées par des citoyens et la confiance à l’égard de ces dernières. Ces données ont par la suite été utilisées par le ministère de l’Éducation.
Niveau 3 : Optimiser le système
Une fois que les données circulent et sont utilisées, on peut optimiser la collaboration et la coordination entre les participants. Pour intégrer efficacement des organisations internationales dans le système national de données et éviter d’avoir des initiatives redondantes et conflictuelles, les acteurs nationaux doivent veiller à la coordination des rôles et responsabilités des agences internationales présentes dans le pays.
En Inde, ce problème a été résolu en établissant des comités auxquels participent les représentations nationales de différentes organisations des Nations Unies, des ministères de tutelle et des établissements de recherche. Dans le cadre de ces comités, les activités liées aux ODD et l’appui technique des divers organismes internationaux ont été répartis de manière à éviter les chevauchements.
Niveau 3 : Optimiser le système
À des niveaux élevés de maturité, il est aussi important de partager les connaissances tirées des données. Le monde universitaire peut jouer un rôle à cet égard en transférant et appliquant le savoir mondial au contexte local. Des innovations émanant des universités devraient être soutenues et, le cas échéant, adoptées. Par exemple, des expériences aléatoires menées dans le cadre de la recherche sur le développement international peuvent être adoptées comme outil de décision par de nombreux gouvernements.
Le Conseil national du Mexique pour l’évaluation de la politique de développement social (CONEVAL) . en est un exemple frappant. Dotée par le gouvernement mexicain d’une autonomie budgétaire, technique et administrative, cette agence mène ou commande des évaluations des politiques sociales élaborées par le gouvernement.
Le SNDI a besoin d’évoluer
On ne crée pas un système national de données intégré du jour au lendemain. C’est un processus évolutif qui doit croître et s’adapter au fil du temps. C’est le gouvernement qui en exprime l’intention au départ, mais ce sont les individus qui en sont la force motrice, qui l’animent et qui en tirent de la valeur en partageant et utilisant les données de manière ouverte et volontariste.
Le fait d’établir les principes stratégiques en matière de sécurité et de données dès le départ prépare la voie à une utilisation des données sans risque par la suite. Puis, on peut aller plus loin à mesure que les besoins du pays s’accroissent. Le niveau de protection devrait augmenter en même temps que le volume de données dans le système.
Des objectifs réalisables
Le SNDI n’est pas un simple modèle ambitieux. C’est un objectif vers lequel chaque pays peut tendre aujourd’hui d’une manière transposable qui s’adapte à son contexte particulier. Avec un SNDI opérationnel en place, nous pouvons partager des données de sources publiques et privées en toute sécurité entre différents utilisateurs, apprendre mutuellement de nos analyses, et acquérir des connaissances qui peuvent aider les communautés les plus pauvres du monde. Grâce à cette coopération, les données peuvent promouvoir des objectifs de développement.