La science citoyenne protège la pêche dans l’Amazone
PÊCHE
Une initiative régionale de grande envergure conjugue des actions et des connaissances autochtones, locales et internationales en vue d’étudier et de protéger les réseaux d’eau douce de l’Amazone.
Pour les populations du bassin du fleuve Amazone — une région dans laquelle habitent 30 millions de personnes et dont la superficie équivaut à la partie continentale des États-Unis —, le poisson constitue le principal apport en protéines animales et la pêche représente la principale source de revenus. Les écosystèmes aquatiques de l’Amazone sont toutefois menacés par l’expansion de l’agriculture, des pâturages, des infrastructures, de l’exploitation forestière, de l’exploitation minière et par la surpêche1. Il est essentiel de gérer les populations halieutiques pour préserver ces écosystèmes et les communautés d’êtres humains qui en dépendent. Dans ce contexte, la collecte, le suivi et le partage de données sont primordiaux pour une pêche durable.
Créé en 2012, le réseau Citizen Science for Amazon (ou Science citoyenne pour l’Amazone) réunit de multiples parties prenantes dont plus de 100 groupes de spécialistes en science participative ou citoyenne (pêcheurs, populations autochtones, communautés locales et étudiants) issus des quatre coins du bassin de l’Amazone et plus de 25 représentants des milieux universitaires ainsi que d’organisations de préservation de l’environnement ou de terrain originaires de sept pays2. Ces scientifiques citoyens contrôlent régulièrement la migration des poissons et la qualité de l’eau, en consignant et communiquant leurs observations au moyen d’une application commune et sur une plateforme. Cette plateforme a été conçue pour guider les décisions en matière de gestion des données. Elle permet de faire le lien entre les différentes initiatives locales, d’utiliser des normes interopérables, d’agréger des données et de rendre les informations transparentes, sûres et accessibles3. Il s’agit de la première base de données à l’échelle de l’ensemble du bassin de l’Amazone accessible aux chercheurs, professionnels et responsables politiques.
Les participants au réseau définissent ensemble une question de portée suffisamment large pour attirer de multiples parties prenantes, mais assez simple pour englober des questions qui se posent à plus petite échelle (voir la figure S8.2.1). Des partenaires locaux travaillent avec des scientifiques citoyens à la détermination des questions auxquelles il convient de répondre à l’échelon local, des méthodes d’analyse et d’utilisation des données, des décisions qu’il convient d’étayer par des éléments factuels et des publics à cibler.
Conjointement, les partenaires au sein du réseau conçoivent, éprouvent et adaptent des solutions innovantes aux problèmes rencontrés dans le bassin de l’Amazone. Au fil du temps, ils se sont mis d’accord sur différents éléments du cadre de gouvernance des données parmi lesquels des principes directeurs, des variables, des protocoles, des modalités d’utilisation, la mention de la source ou de l’auteur et la protection de la vie privée. La science citoyenne supplante les méthodes d’enquêtes scientifiques traditionnelles excessivement chères, et contribue à jeter des ponts entre, d’une part, les connaissances autochtones et locales et, de l’autre, les sciences professionnelles et classiques.
La participation de la population encourage l’utilisation et la gestion durables des ressources halieutiques et des autres ressources naturelles. Cette approche contribue à la préservation des principaux fleuves, lacs et zones humides, et permet d’améliorer les moyens de subsistance. Elle donne en outre aux communautés locales les moyens de négocier avec les organismes publics et d’autres parties prenantes sur des questions telles que l’obtention de permis de pêche, la vente du poisson pêché de manière durable sur des marchés de niche à des prix plus élevés, l’utilisation d’éléments factuels pour s’opposer aux barrages hydroélectriques en raison de leur contribution à la diminution des réserves halieutiques, et la demande d’indemnités de sécurité sociale en dehors des saisons de pêche. Les dirigeants du Programme des Nations Unies pour l’environnement reconnaissent la contribution significative de la science citoyenne à la réalisation des Objectifs de développement durable4.
Les informations figurant dans ce « gros plan » ont été fournies par Libby Hepburn, coprésidente du Sustainable Development Goals and Citizen Science Maximisation Group et coprésidente de l’Open Science and Citizen Science Council of Parties ; par Mariana Varese de la Wildlife Conservation Society ; et par Lea Shanley, chargée spéciale de recherche, Nelson Institute for Environmental Studies, Université du Wisconsin à Madison.
- Alho, Reis, et Aquino (2015, 412).
- Voir Ciencia Ciudadana para la Amazonía (Citizen Science for the Amazon)
- Voir Ictio (tableau de bord), Citizen Science for the Amazon, Lima, Peru.
- Voir UNEP (2019). En outre, la science citoyenne est une composante centrale de la science ouverte (par exemple, voir OECD 2015). L’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) travaille actuellement à un programme de politiques et de réglementations d’envergure mondiale sur la science ouverte. Dans le cadre de cette initiative, l’UNESCO a engagé des consultations à l’échelle mondiale sur la science ouverte, dont une est menée dans le cadre du Citizen Science Global Partnership. On s’attend à ce qu’elle définisse des valeurs et des principes partagés pour la science ouverte et qu’elle détermine des actions concrètes à mener sur le libre accès et les données ouvertes, assorties de propositions visant à rapprocher les citoyens de la science et d’engagements à faciliter la production de connaissances scientifiques et leur diffusion à travers le monde. (Voir « UNESCO Recommendation on Open Science », Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, Paris). Les recommandations issues de ces consultations sont des instruments juridiques dont l’objectif est d’influer sur l’élaboration de lois et de pratiques nationales au sujet desquelles les États membres de l’UNESCO seront invités à soumettre des rapports. Elles constituent une formidable occasion de promouvoir le recours à la science citoyenne à travers le monde.
- Alho, Cleber J. R., Roberto E. Reis, and Pedro P. U. Aquino. 2015. “Amazonian Freshwater Habitats Experiencing Environmental and Socioeconomic Threats Affecting Subsistence Fisheries.” Ambio 44 (5): 412–25. doi: 10.1007 /s13280-014-0610-z.
- OECD (Organisation for Economic Co-operation and Development). 2015. Making Open Science a Reality. OECD Science, Technology, and Industry Policy Paper 25 (Octo-ber 15). Paris: OECD.
- UNEP (United Nations Environment Programme). 2019. “United Nations Environment Programme Contributions to Secretary-General’s Background Note for the Preparatory Meeting of the 2020 United Nations Conference to Support the Implementation of Sustainable Development Goal 14.” Nairobi, Kenya, October 31, 2019.